
La ministre de la Transition écologique a eu raison de ne pas autoriser la chasse de la fouine dans les Yvelines
et du renard dans la petite couronne

Le ministre de la Transition écologique
est compétent pour arrêter la liste des espèces d’animaux susceptibles
d’occasionner des dégâts aux cultures et qui, pour cette raison, peuvent être
chassées.
Il tient cette compétence de l’article R. 427-7 du code de
l’environnement :
I. - Après avis du Conseil national
de la chasse et de la faune sauvage, le ministre chargé de la chasse fixe par
arrêté trois listes d'espèces d'animaux classées susceptibles d'occasionner des
dégâts : / (...)
2° La liste des espèces d'animaux indigènes classées susceptibles d'occasionner des dégâts dans chaque département, établie sur proposition du préfet après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage réunie en sa formation spécialisée mentionnée au II de l'article R. 421-31, précisant les périodes et les territoires concernés, ainsi que les modalités de destruction.Cette liste est arrêtée pour une période de trois ans, courant du 1er juillet de la première année au 30 juin de la troisième année ; / (...)
II. - Le ministre inscrit les
espèces d'animaux sur chacune de ces trois listes pour l'un au moins des motifs
suivants :
1° Dans l'intérêt de la santé et de
la sécurité publiques ;
2° Pour assurer la protection de la
flore et de la faune ;
3° Pour prévenir des dommages importants
aux activités agricoles, forestières et aquacoles ;
4° Pour prévenir les dommages
importants à d'autres formes de propriété. / (...)
Les listes des espèces
d'animaux classées susceptibles d'occasionner des dégâts ne peuvent comprendre
d'espèces dont la capture ou la destruction est interdite en application de
l'article L. 411-1 (art. R. 427-7 du code de
l’environnement).
La
fédération interdépartementale des chasseurs d'Ile-de-France souhaitait que
soit ajoutée à la liste établie par un arrêté du 3 juillet 2019 d'une part, la
fouine dans le département des Yvelines et, d'autre part, le renard dans les
départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
Le
ministre n’ayant pas répondu à cette demande, il est réputé l’avoir rejeté. La
fédération introduit donc un recours contre ce refus.
Le Conseil d’Etat rejette
le recours.
La ministre de la Transition écologique a correctement appliqué les dispositions précitées en tenant compte des dommages causés et du nombre d’unités de l’espèce.
Pour établir la liste des espèces
susceptibles d'occasionner des dégâts, la ministre a fait application de
critères alternatifs tirés, d'une part, de l'existence de dommages chiffrés
imputables à l'espèce en cause suffisamment significatifs à hauteur d'au moins
environ 10 000 euros par an à l'échelle du département considéré et, d'autre
part, de l'abondance de l'espèce, évaluée au regard d'un seuil d'au moins 500
individus prélevés par an, et des risques d'atteintes significatives, à
l'échelle du département, à l'un au moins des intérêts protégés par l'article
R. 427-6 du code de l'environnement.
En ayant eu recours à ces critères, dont
il ressort des pièces du dossier qu'ils sont seulement indicatifs et ne
présentent pas un caractère exclusif, pour être en mesure d'apprécier, dans
chaque département et pour chaque espèce, l'étendue et l'intensité des
atteintes portées à ces intérêts ou susceptibles de l'être, le ministre n'a,
contrairement à ce que soutient la fédération requérante, pas méconnu les
exigences découlant de ces dispositions.
La mention, dans cette même
présentation du projet d'arrêté, parmi les éléments à prendre en considération
dans chaque dossier, de " l'état de conservation / d'abondance de l'espèce
au niveau national et local ", qui souligne seulement la nécessité
d'apprécier le caractère répandu de l'espèce considérée à l'échelle du
département, ne saurait davantage être regardée comme méconnaissant les
dispositions de l'article R. 427-6.
La fouine ne cause pas suffisamment de
dégâts aux cultures dans les Yvelines pour justifier qu’elle soit chassée.
En deuxième lieu, il ressort des pièces du
dossier que les données recueillies sur la présence de la fouine dans le
département des Yvelines pendant la période de référence ne permettent pas
d'établir que cette espèce, dont le nombre d'individus prélevés est de l'ordre
de 200 et dont les dégâts occasionnés sont inférieurs au total annuel de 10 000
euros précédemment mentionné, serait à l'origine, à l'échelle de ce
département, d'atteintes significatives aux intérêts protégés par l'article R.
427-6 du code de l'environnement, ni même qu'elle serait susceptible de l'être.
La circonstance que cette espèce ait été inscrite sur la liste de celles
susceptibles d'occasionner des dégâts pour le département voisin du Val d'Oise
est, par ailleurs, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé de
l'appréciation portée sur la situation dans le département des Yvelines.
La
ministre n’a donc pas commis une erreur d'appréciation en s'abstenant
d'inscrire la fouine sur la liste des espèces susceptibles d'occasionner des
dégâts dans ce département.
Le renard ne présente pas de danger pour
la population des des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du
Val-de-Marne
Enfin, si la fédération requérante fait
valoir que la présence du renard dans les départements des Hauts-de-Seine, de
la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne serait de nature à porter atteinte à
l'intérêt de la santé et de la sécurité publique au motif qu'elle exposerait
les populations locales à un risque de contamination par l'échinococcose
alvéolaire dont cette espèce est porteuse.
Mais, selon le Conseil d’Etat, il
n’est pas établi que ce risque serait tel, dans les départements en cause,
qu'il serait de nature à imposer l'inscription du renard dans la liste des
espèces susceptibles d'occasionner des dégâts.
(CE 13 avril 2022, n°437785).

Robert CRAUSAZ